Redéfinir son modèle socio-économique, miser sur l’hybridation des ressources financières, humaines et juridiques, architecturer son organisation… La crise liée au Covid-19 est un moyen pour certaines OSBL de se repenser, de s’organiser dans le changement, d’agir et de donner du sens à leur objet, comme acteur économique et citoyen.
Cet article a été synthétisé pour l’ADN >> retrouvez le ici !
Nous vivons une période de l’histoire extraordinaire que certains qualifient de Cygne Noir, cf article d’Antoine Vaccaro, Président de Force For Good et du CERPHI. Cette catastrophe arrivée soudainement par cette pandémie mondiale, va avoir des répercussions économiques et financières que chacun essaie d’extrapoler, mais qu’en fait à ce jour nul n’est capable de mesurer.
Un point de convergence semble toutefois se dessiner : la prise de conscience « grâce » à cette pandémie que tous les acteurs économiques de la Société au niveau mondial, vont devoir intégrer dans leur modèle économique des notions liées au BIEN COMMUN et/ou à l’INTERET GENERAL.
Il existe bien évidement certains acteurs économiques qui agissent déjà dans ce sens car il s’agit de leur modèle et de leur mission, il s’agit des OSBL (Organisme Sans But Lucratif) : Les Associations, les Fondations, Les Fonds de Dotation, les ESS (Entreprises Sociales et Solidaires) pour ne parler que de celles-ci. D’autres agissent aussi, comme certaines grandes entreprises, mais ce phénomène doit se démocratiser.
Cette pandémie en 2020 va accélérer la réflexion des enjeux sociétaux tant dans les OSBL que dans les Entreprises et les Institutions Publiques. Cette réflexion est amorcée depuis plus de 10 ans comme le prouvent différentes études menées sur le secteur.
On constate depuis plusieurs années, que les ressources notamment financières, non seulement se réduisent mais se décomposent différemment selon les sources de financement.
Nous devons raisonner en macro, car la disparité des tailles et des modèles des associations ou plus généralement des OSBL, est trop diverse pour aborder le sujet en détail dans cet article.
Il est constaté que la part des ressources provenant des subventions est en nette diminution (presque de moitié en 15 ans), que les ressources liées aux cotisations sont plus ou moins stables, que les recettes d’activités ont quant à elle progressée de plus de 30% et les dons eux ont baissé surtout depuis la réforme de l’ISF.
L’Etat qui va être surendetté, la récession économique qui risque de durer avec une crise économique et financière estimée à 3 ans, selon nos prédictions partagées par des experts, risquent de voir les subventions se tarir.
L’Etat qui avait délocalisé certains financements, les collectivités territoriales qui n’avaient plus beaucoup de moyens, le tout appuyé par la crise Covid 19, risque d’avoir un impact retentissant sur les financements des OSBL. (hors aides exceptionnelles mises en place en cette période de confinement).
Nous retrouvons dans ces conditions, un terme propre à la Finance et à la Stratégie, « l’effet ciseau» avec une baisse et fragilité des ressources financières devant répondre à une demande croissante d’aides aux personnes et d’actions sociales. Un vrai dilemme.
La situation actuelle, oblige les OSBL à repenser leur modèle économique que l’on appelle le Modèle Socio-économique dans ce secteur. La réflexion doit s’opérer maintenant et la mise en oeuvre doit suivre dans les mois à venir.
Les enjeux sont importants, car l’actualité nous montre et va nous démontrer à quel point ce secteur important de l’économie sera sollicité dans les semaines, les mois et les années à venir.
Les OSBL ne pourront pas agir seules pour faire face à cette demande, du fait d’un volume plus important à traiter et de moyens individuels trop insuffisants.
Pour se faire et pour remodéliser l’éco système et les MSE (Modèle Socio-économique), les OSBL vont devoir repenser leur Stratégie en reprécisant leurs Missions et leurs Visions. Ceci ne pourra être mis en action, que si les Gouvernances sont hypers proactifs et que les conseils d’administrations suivent et orientent dans ce sens. Certaines structures devront être accompagnées pour assurer ce virage stratégique.
Elles vont devoir penser Hybridations de ressources pour faire face à cet « effet ciseau ». J’emploie volontairement cette notion plutôt utilisée dans le secteur Profit, mais c’est bien là le sujet.
La structure Juridique d’une entité qu’elle soit OSBL ou entreprise, est bien de dégager des excédents de résultats ou des bénéfices ainsi que de la trésorerie pour accomplir sa mission,
On voit bien le parallèle. Les deux exercent dans un environnement « concurrentiel » et doivent « gagner de l’argent » pour être pérennes et répondre à la demande.
On est donc bien, dans les mêmes réflexions avec des enjeux différents mais qui devront converger sur certains points qui nous intéressent pour répondre à l’intérêt collectif.
On est donc bien, dans les mêmes réflexions avec des enjeux différents mais qui devront converger sur certains points qui nous intéressent pour répondre à l’intérêt collectif.
Revenons à la Gouvernance des OSBL, une fois la stratégie validée, il faut alors trouver les moyens pour atteindre ces objectifs. Les ressources sont les moyens et elles sont nombreuses.
Il y a les ressources Financières, les ressources Humaines et les ressources d’ordre Juridique.
Dans les ressources Financières :
- Il y a les recettes : les Subventions, les Dons provenant du Marketing Collecte, des Grands Donateurs, de La Grande Philantropie, souvent liés à l’IFI pour ces derniers, le Mécénat financier, les Partenariats d’entreprises, les Financements bancaires…
- Il y a également l’optimisation des coûts : soit par réduction, soit par évitement soit par mutualisation. Cette ligne est souvent oubliée, mais elle est aussi importante si ce n’est plus que les recettes, car comme on le dit toujours en gestion : on connait et on doit maitriser ces coûts, en revanche les recettes sont toujours plus aléatoires. Le fait de réduire les couts dégage des ressources financières.
- Le mécénat en Industrie est une ressource qui permet de ne pas à avoir à décaisser pour investir ou acheter des produits.
Dans les Ressources Humaines :
- Pour celles-ci, les OSBL d’intérêt Général ont la capacité d’avoir recours au Bénévolat. Mais on retrouve également les contrats plus classiques de travail comme les CDI, les CDD, les contrats Pro, les contrats aidés et les stages d’écoles. Ces derniers se développent car les Grandes écoles ont développé des formations Adhoc et les jeunes générations recherchent plus de motivation par l’engagement qu’auparavant.
- Les mises à disposition d’expertises par les mécènes dits de « compétences ». Cette aide vient des entreprises ou des fonds d’entreprises et devient une ressource précieuse pour les OSBL.
Dans les Ressources d’Ordres Juridique :
Les OSBL ont le choix parmi de nombreux véhicules juridiques pour répondre à leur stratégie et à l’accomplissement de leur mission. Pour reprendre les plus connus, Associations, Fondation RUP, Fonds de Dotation. Il existe également des sous-groupes plutôt d’aspect fiscal.
Les alliances, les échanges d’économies de moyens, les fusions….
Avoir des filiales commerciales, des alliances internes entre structures non-profit.
Il existe d’autres véhicules plus spécifiques comme les Fondations d’entreprises.
Une fois que l’on a évoqué tous ces points on se rend compte qu’une OSBL qui a défini une stratégie bien claire pourra aller piocher dans ces différentes cases pour architecturer son Organisation qui pourra être évolutive.
Nous allons alors parler d’hybridation de ressources au sein d’une même organisation.
Une organisation pourra être composée de différents véhicules juridiques en fonction de son besoin tant en termes de positionnement et d’organisation sur le terrain qu’en termes de besoin de financement.
Avant d’implémenter ces décisions, il est important de poser un SWOT afin de mesurer, les Forces et Faiblesses internes et les Avantages et les Inconvénients de ce projet.
Un exemple : une structure a un projet national et souhaite également bénéficier de compétences internes pour percevoir des recettes dites marchandes. Cette organisation, pourra alors créer un Fonds de dotations, créer une Association qui aura des alliances et des économies de moyens avec le Fond qui peut également filialiser son activité commerciale pour la développer.
Bien évidement cette articulation devra répondre aux obligations légales tant en droit des affaires qu’en droit fiscal. Nous pourrons développer ce point dans un autre article.
Sur ce sujet, le législateur a évolué depuis quelques années, toutefois le droit Fiscal reste encore relativement figé face au droit des affaires. La loi PACTE a fait avancer certains points et on voit bien que la prise de conscience d’un engament citoyen a fortement progressé au sein des populations, et donc pousse le législateur à faire évoluer les lois, en plus de sa volonté de se désengager de certains financements.
Ces aspects Juridico Fiscaux rendent la réflexion et la mise en oeuvre parfois complexes et obligent à monter des « usines à gaz » pour à la fois répondre à la Stratégie définie tout en respectant les différentes lois qui s’entremêlent.
Nous constatons que selon le législateur il existe trois pans dans l’économie :
Les Structures non-profit, les ESS et les Entreprises commerciales.
Il existe des ponts entre les différents pans juridiques mais le cadre fiscal doit évoluer pour assouplir les liens possibles et les aides réciproques dont chacune d’elle aura besoin.
La porosité des frontières entre l’économie et le social se dessine progressivement.
Dans ces conditions, des conseils extérieurs en conduite du changement peuvent être fort utiles pour les OSBL. En effet il est compliqué, voire impossible d’implémenter une conduite du changement par des équipes internes seules. Non pas qu’elles n’en soient pas capables, mais les habitudes, les usages, les connivences, l’affect entre individus sont toujours un frein au changement.
La conduite du changement est un métier et est un sujet très sensible car il ne faut absolument pas commettre d’erreur, tant sur les orientations choisies que sur l’implémentation et le management. Nous pourrons revenir sur ce sujet dans un autre article.
Nous avons évoqué jusqu’à présent l’hybridation de ressources internes, mais il va s’agir dans les prochains mois également d’hybridation plus globale dans l’écosystème.
En effet, non seulement les OSBL doivent repenser leur organisation interne, mais elles devront intégrer dans leur réflexion une plus grande interaction et mutualisation avec leur écosystème.
En effet les collectivités locales, les Entreprises et les Associations devront demain encore plus interagir, mettre en commun des moyens pour répondre aux besoins relevant de l’intérêt Général et du Bien Commun.
Les entreprises vont devoir être accompagnées sur ce qu’elles peuvent faire et ne pas faire, notamment les TPE et les PME dont, et on le comprend bien, ce n’est pas la priorité à ce jour. Il en ira de même pour les Associations qui n’ont pas de moyens internes suffisants pour répondre aux interrogations qui s’imposeront.
Des alliances, des mutualisations de moyens entre ces différents acteurs vont devoir s’opérer et surtout pouvoir se développer si le législateur évolue, tout en respectant les droits fondamentaux.
L’important sera que les Associations et tous les acteurs relevant de l’intérêt général conservent leur indépendance d’action et de décision et ne subissent aucune influence de gros financeurs.
Le monde associatif est en pleine mutation et doit absolument s’organiser pour faire face à ce raz-de-marée qui arrive et qui, s’il est bien géré, doit être une vague porteuse et bénéfique pour le secteur. Il ne faut pas en avoir peur.
Le COVID 19 ou plus exactement la crise liée au C19 est une menace pour les organisations qui ne se remettront pas en question et une réelle opportunité pour celles qui sauront se repenser, s’organiser et se faire accompagner dans le changement, dans un délai relativement court.
Elle est également une opportunité pour les entreprises d’agir et de donner du sens à leur objet, comme acteur économique et citoyen.
Fabrice Roy : Directeur Exécutif de Force For Good
Depuis 25 ans, Fabrice est chef d’entreprise et exerce dans différents secteurs d’activités, dans des structures de tailles différentes de la start up à l’ETI. Il a été également directeur délégué de Fondation. Il est administrateur de sociétés en France et en Belgique. Il connait bien l’univers de l’ESS (Économie Sociale et Solidaire) et le secteur non profit.
Fabrice accompagne depuis 15 ans comme consultant ou manager de transition des chefs d’entreprise aux différentes étapes de leur vie d’entrepreneur : création, croissance et développement, gestion de crises et cession. Il accompagne également des fondateurs d’associations et de fondations dans l’hybridation juridique et financière de leur structure.
Son expertise porte sur la définition de la stratégie et de son implémentation, de l’opérationnel à la gouvernance, sans oublier la Finance.
L’IDAF en partenariat avec Force For Good et le CERPHI a organisé le 30 juin un webinaire de restitution d’une enquête réalisée auprès des dirigeants associatifs. Cette enquête a pris le pouls du secteur, a évalué l’ampleur des mesures mises en place pour faire face à la crise sanitaire, et a éclairé ainsi les perspectives pour demain. Support du Webinaire et replay disponibles ici