Le Parisien a interviewé Antoine Vaccaro, Président de Force For Good et du CerPhi.
Spécialiste de la philanthropie, Antoine Vaccaro décrypte l'augmentation des dons des Français en faveur de la protection des animaux et de l'environnement. Il constate que le combat environnemental enregistre actuellement une surperformance au détriment de certaines causes nationales.
L'intérêt accru des Français pour l'état de la planète impacte-t-il les autres causes ?
ANTOINE VACCARO. Il y a des gagnants et des perdants. Avec la redistribution des cartes, l'aide au tiers-monde devient le parent pauvre de la générosité. Qui s'indigne et donne aujourd'hui pour le Yémen? On constate également qu'il est plus difficile de déclencher un élan de générosité face à une urgence humanitaire. On l'a vu notamment lors du tsunami en Indonésie l'année dernière, qui a fait plusieurs milliers de victimes ou plus récemment lors du cyclone aux Bahamas.
Les causes nationales sont-elles également touchées ?
Le porte-monnaie des Français, qui doivent répartir leur budget générosité, n'est pas extensible. Les donateurs sont matraqués pour obtenir un prélèvement automatique de 10 ou 20 € par mois. Au maximum, ils vont en faire deux ou trois, mais pas dix ! Le combat environnemental enregistre actuellement une sur-performance au détriment de certaines causes nationales.
Dans la hiérarchie des causes, les Français placent la protection animale et la préservation devant l'aide aux personnes malades ou handicapées. N'est-ce pas choquant ?
C'est révélateur d'un délitement de lien dans notre société. Notre rapport à l'autre est de plus en plus défiant, de plus en plus hostile. Les gens qui se sentent isolés, déclassés, mal aimés ont l'impression de ne plus être respectés et s'enferment dans le chacun pour soi. Ils sont moins en empathie avec les autres considérés comme une menace et vont se retourner vers leur chien de compagnie, la faune… Il y a comme une petite musique inquiétante qui semble dire qu'on est trop nombreux sur terre, que l'humanité est son propre ennemi.
Mais alors, au final, cet élan de générosité, surtout des jeunes, pour les associations écolos est-il une bonne chose pour la philanthropie ?
C'est une bonne nouvelle pour la générosité, cela prouve que les jeunes, très préoccupés par leur futur, savent se mobiliser. La relève est là. Pour certains, c'est même un moment initiatique. Et quand on devient donateur, c'est pour longtemps. On les retrouvera plus tard avec des causes à défendre qui auront évolué. Quand ils deviendront parents, ils seront sans doute plus sensibles à l'aide à l'enfance.
On a l'impression que les grandes causes fonctionnent par cycles…
Il y a eu la solitude des personnes âgées dans les années 1960, puis le handicap, la recherche médicale, l'aide au tiers-monde, la lutte contre la pauvreté… À une époque, de 1970 à 2000, l'environnement était la cause la moins mobilisatrice. Aujourd'hui, le temps de la flore et la faune est venu.
Comment l'expliquer ?
Il y a un bruit de plus en plus fort lié à la destruction des espèces, ce sentiment aussi de vivre sur une planète à feu et à sang. Qui parle de tout ça sans langue de bois ? Les ONG ! Il se crée une indignation qui conduit les Français à mettre la main au porte-monnaie. C'est très classique dans l'histoire de la générosité : à chaque fois qu'on a révélé au grand public une situation insupportable ou injuste, l'impact sur les dons a été immédiat. Parallèlement, tout le secteur associatif défendant la cause environnementale s'est professionnalisé, drainant des cerveaux, des jeunes très diplômés prêts désormais à y travailler.
Retrouvez l'interview sur le site du Parisien : http://www.leparisien.fr/environnement/dons-l-aide-au-tiers-monde-devient-le-parent-pauvre-de-la-generosite-25-09-2019-8159028.php